La chose choquante à propos de la violence est que des femmes journalistes ont été victimes d’attouchement sexuel, alors qu’elles effectuaient leur travail journalistique. Un dangereux précédent établi en Tunisie pour la première fois car aucun incident de harcèlement de masse de cette manière n’a été enregistré dans la rue auparavant.
Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) a publié son rapport du mois de février 2021, qui porte sur les mouvements sociaux, suicides, violences et migrations. Dans son document, le Ftdes a estimé que la crise globale que traverse le pays reflète une scène de violence émergente dont la plus importante est une augmentation du volume de violence dirigée contre les groupes vulnérables et dans des espaces censés être sûrs.
Durant le mois passé, le résultat des violences relevées par le rapport a confirmé que la violence s’est étendue aux enfants et aux personnes âgées, rendant ces groupes vulnérables aux scènes de violence les plus graves à travers les enlèvements, les viols et le harcèlement sans oublier que la violence au sein de la famille s’est aussi aggravée pour faire de cet espace une scène de meurtre prémédité.
65,9% des agresseurs sont des hommes
Parlons chiffres, le rapport du Ftdes a annoncé que durant le mois passé, 53,7% des violences signalées étaient des violences collectives perpétrées par les deux genres, contre 45,3% pour les violences individuelles.
Avec un taux d’environ 30% pour les gouvernorats de l’Ariana, Tunis et Ben Arous, la capitale arrive au premier rang des régions les plus violentes, suivie du gouvernorat de Nabeul (avec un taux d’environ 15%), puis du gouvernorat de Kasserine (avec environ 13%), puis les gouvernorats de Monastir, Kairouan et Mahdia (avec un taux d’environ 7% pour chaque région). Viennent ensuite les gouvernorats de Sousse, Sfax et Kébili avec 5%, suivis des gouvernorats de Bizerte, Le Kef et Sidi Bouzid avec 2%.
Par ailleurs, durant le mois de février 2021, les femmes ont représenté 29,3% de l’ensemble des victimes de violence, tandis que les hommes ont représenté 65,9% des agresseurs.
La rue, l’espace majeur de violence
En ce qui concerne les types de violence observée, avec un taux d’environ 61%, la violence criminelle vient en premier lieu, suivie de la violence dans l’espace public (avec un taux de 17%) et celle institutionnelle (15%). Tandis que la violence politique était à hauteur de 5%, alors que celle économique n’a représenté que 2% du total des cas de violence observés.
Le rapport a, également, indiqué qu’avec un taux d’environ 59%, la rue a représenté l’espace majeur de violence, suivie du domicile, qui est l’espace familial (avec un taux de 23%), puis de l’espace médiatique (6%). Tandis que les établissements d’enseignement et les espaces gouvernementaux, c’est-à-dire les sièges administratifs, les espaces de tourisme et de divertissement, ainsi que les prisons, les centres de détention et les espaces virtuels ont été les théâtres de violence à hauteur d’environ 2% chacun.
Une violence choquante
Sur un autre plan, parmi les cas de violence relevés tout au long du mois de février 2021, le rapport a cité la scène où des enfants ont été interceptés et enlevés à des fins de viol et de harcèlement sexuel. Cette forme de violence sexuelle a touché les deux genres et l’implication de mineurs dans des délits sexuels comme cet incident de viol d’une femme âgée par trois mineurs.
Ce qui est également frappant, c’est l’évolution de la violence au sein de la famille vers des meurtres prémédités, comme le meurtre par égorgement d’un jeune homme par ses frères à Nabeul en raison d’un différend sur l’héritage. Il y a aussi l’exemple du meurtre d’un jeune homme par ses frères dans le quartier d’Ettadhamen et le meurtre d’un oncle maternel par son neveu à Sfax ainsi que d’autres crimes familiaux très violents.
«Sans aucun doute, ces crimes reflètent l’état de l’humeur générale qui produit la violence à la suite de la crise globale dans le pays ainsi que l’incapacité des institutions étatiques à contenir toutes ces manifestations de violence comme à Mahdia, par exemple, lorsqu’un père est entré dans un mouvement de protestation, dénonçant sa situation sociale, au cours de laquelle il a accroché une pancarte sur sa jeune fille et l’a proposée à la vente en raison de la détérioration de ses conditions de vie…
Le délégué à la protection de l’enfance n’a pas réagi à l’incident et protégé l’enfant jusqu’à ce que l’opinion publique se soit mobilisée dans l’espace virtuel pour faire de sorte que le père soit arrêté et que l’enfant soit placé sous la protection du représentant de la protection de l’enfance», souligne le rapport, tout en ajoutant que cette mauvaise performance des institutions étatiques face à la violence est le produit de la crise de l’équilibre financier, d’une crise des perceptions et d’une mauvaise appréciation du coût social et du prix réel de la croissance de la violence au sein d’une société qui vit encore son expérience dans la construction démocratique.
Une première dans la rue
tunisienne
L’autre chose choquante à propos de la violence qui a été enregistrée tout au long du mois de février 2021 est que des femmes journalistes ont été victimes d’attouchement sexuel alors qu’elles effectuaient leur travail journalistique. Le rapport a affirmé que des femmes journalistes ont été touchées dans des endroits sensibles de leurs corps, par des individus parmi les foules rassemblées par les partisans d’Ennahdha, alors qu’elles étaient en train de couvrir le rassemblement du mouvement le 27 février 2021. Ce qui a été considéré par le Ftdes comme un «dangereux précédent », établi en Tunisie pour la première fois, car aucun incident de harcèlement de masse de cette manière n’a été enregistré dans la rue auparavant.
Le rapport a ajouté que des journalistes des deux genres ont également été victimes de violences physiques et verbales de la part du comité d’organisation de la marche, comme cette tentative de jeter une journaliste hors de la voiture désignée pour photographier la marche.
Face à ce constat et à ces chiffres alarmants, et afin d’empêcher la propagation de la violence qui sévit dans le pays, le Ftdes a indiqué que le traitement de la violence, qui reste dans le sillage de la crise économique et sociale que traverse le pays, nécessite une vision et une stratégie institutionnelles capables de lutter contre ce fléau afin de protéger les victimes. Mais malheureusement, « c’est quelque chose qui ne semble pas disponible en Tunisie actuellement en raison de la crise d’instabilité gouvernementale et de la crise financière publique ; deux crises qui peuvent empêcher la mise en place de toute stratégie de lutte contre la violence », a, encore, souligné le rapport.